Variations Comiques (Brulesque, Absrude, Grotexte) (2003)

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Variations Comiques (Brulesque, Absrude, Grotexte)

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Variations Comiques (Aucune photo, aucune archive)

Burlesque, Absrude, Grotexte
à partir d’une commande sur les « nouvelles figures du clown ».
Tentative de répondre exactement à une commande
Exercice de style sur l’exercice de style
théorie terrorisante, spectacle avec entrave, œuvre qui est son propre piège, dispositif à s’accidenter soi-même
Tous les langages sont autonomes

La personne qui s’occupe de la lumière ne voit rien, et n’a jamais vu le spectacle d’ailleurs, elle a un mur d’interrupteurs vers le fond de la scène qui la force à être de dos à ce qui se passe et une partition lumineuse expérimentale extrêmement précise qui fait partie de l’écriture comique à part entière. Son corps qui sautent pour atteindre tel ou tel interrupteur fait partie de la partition comique. Elle a une partition de signes que personne d’autre qu’elle ne peut lire, qui s’associe à des bruits qui lui permettent d’être simultanée aux événements.

Trois bandes son autonomes sont lancés simultanément au début du spectacle: une qui se passe à l’extérieur de l’espace et que l’on entend par l’extérieur une qui est sur le plateau, l’autre qui est en mouvement (Hauts parleurs transportés durant le spectacle) s’entrelacent pour former une polyphonie d’évènements sonores, mêlés aux sons réels et à partir d’eux. Il n’y a aucune souplesse en cas d’accidents, les bandes ne seront pas arrêtées, tout doit donc correspondre avec l’action qui est donc sans marge. Le retard est une partie de l’écriture comique.

Il n’y a aucune place pour l’accident, bien que le son soit une série d’accidents, et que ce manque de marge sert justement à provoquer des accidents qui abîment le spectacle victime de lui même.

Quand à la machinerie, elle est manipulée dans l’urgence de l’infaisable lié à l’entrelacement des deux autres partitions inarrétables.

Brulesque: (détournement)
Digressions comiques

Le burlesque comme art de la digression et du décalage. Un lent détournement à partir d’un but très simple. Ici un homme dans le noir, une télévision, une lampe, un siège, une cigarette, un brau d’eau, une seule prise de courant, des câbles trop courts, de plus en plus emmêlés. Et des connectiques électriques plus ou moins correspondantes. Il semble clair que l’intention du protagoniste est vraisemblablement de réussir à avoir à la fois de la lumière et la télévision. Et toutes les digressions possibles qui rendent cette situation très simple de plus en plus dramatique.
Car ici, le burlesque n’est burlesque que parce qu’il ne tente pas d’être drôle, il est extrêmement sérieux, une situation commune devient une question de vie ou de mort. L’art de la surprise vient ici de la variation, du décalage avec ce qui devrait avoir lieu. Un point A arrive à un point B, mais pour cela il passe par toutes les autres lettres de l’alphabet, et d’autres alphabets en passant par l’oubli même de l’alphabet et par l’oubli même de l’oubli de l’alphabet, il s’agit de faire quelque chose pour quelque chose pour quelque chose d’autre pour autre chose permettant de pouvoir faire ce qui permette de faire ce que l’on voulait faire mais que l’on a oublié entre temps alors que tout est devenu trop grave.

Absrude: (démultiplication)
Agressions comiques

L’absurde est souvent considéré comme un art du non sens, une drôlerie légère. Mais ici on retrouve toutes les racines de l’absurde, l’âpreté de la folie, de la perdition, du vertige irrépressible… la drôlerie de l’absurde vient tout à coup, elle surgie de l’imprévisible, de l’effréné, de l’intransitionnel, de la brusquerie de la variation et de la variation de la variation.

L’absurde c’est ce qui rend l’absurdes évident.
Il revient sans cesse répétant des fragments de la définition de « la variation totale » en se brisant à chaque fois, coupant en morceaux son corps et ce texte qui ne viendra jamais tout à fait, se répétant comme il ne le faut pas, il se met à parler de manière totalement insensé mais avec une illogique imparable, une logique de la non logique comme si la logique n’avait jamais eu lieu d’être, il s’agit de détruire ce malentendu du sens plutôt que de créer de l’insensé, il est évident que l’absurde révèle l’absurde de la religion du sens et de la logique et de la prévisibilité et de la personnalité et de la causalité.
Ici ce personnage blanchâtre avec son œil noir, se met à creuser dans le sol et en sort des centaines de réveils qui se mettent tous à sonner et leur battements est réel et il prend un couteau et coupe un bouquet de fleur en tranche après avoir été brûlé dans un allumage d’un projecteur surpuissant qui le rend presque transparent et son parcours est sans cesse annulé, reprit comme à son tout début, comme si chaque événements étaient détachés des autres et même de lui même, et même du fait même d’être détaché, il y a une logique de l’acte pur, et nous l’avons purement cherché là, et nous nous sommes perdu bien sûr.

Grotexte: (unification)
Régression comique

Le grotesque est pour nous ici, le problème du corps, le gros corps impossible à contenir. Le corps débordant de lui même. le corps qui prend sa propre autonomie, qui ne correspond plus à rien, qui ne se soumet plus à la norme ou à la loi des corps dans l’espace, ou à la loi sociale, ou à la loi tout simplement. Mais ici, parce qu’il s’agit d’une variation, le grotexte c’est le grotesque dans le discours:
Ici, voici un homme qui arrive de manière si exagérée, qu’il ne peut pas être seulement un homme. C’est un faux homme mal fait mal dit mal joué qui fait semblant d’être un faux homme mais qui est encore plus faux que tout ce qui est faux depuis la nuit des temps, qui exagère tellement que son exagération devient totalement intenable.
Il est tout, il veut tout, il parle pour tout le monde, il peut tout, un homme qui un dieu et qui est tous les dieux, un qui comprend tout et tout le monde, qui est d’accord avec tout le monde, il est politicien généraliste religieux socialiste gourou militaire militant féministe radical fasciste fashion publicitaire, il porte tous les insignes religieux qu’il jette autour de lui, toutes les symboliques, toutes les normes, toutes les appellations, tous les noms, il porte l’uniforme militaire avec un turban et des mèches juives et des chaussures de drag queen, il a le discours qui parle, il mène les belles idées entendues et les brutalités, les humanismes, et les tord, utilisant tout, et tous les discours possibles mêlés mélangés, mixés, fourrés, il parle à tout le monde en même temps, dans une parole incessante et frénétique de 7 minutes sans pause qui laisse le spectateur à moitié asphyxié.

De et par Camille Boitel 
durée: 21 minutes

Co-production: Grand parc de la Villette, AFAA, avec le soutient de la SACD